Il faut bien raccrocher les wagons à un moment ou un autre. Si je ne le fais pas maintenant, il se pourrait que je continue à m'abandonner encore longtemps.
Je triche et vous propose une bafouille de cet été.
Pardons et anachronismes... Ca commence ici
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C'est lundi, c'est philosophie. Parvenir à poser un pied à terre le matin relève du défi. Ce simple acte anodin tant il se répète révèle en soi notre capacité à affronter le monde qui nous entoure. Quand on songe à l'arrachement quotidien qu'il nous faut nous infliger; à ce départ nécessaire d'une monde douillet et paisible, on réalise la force mentale qui nous habite . Quand on est capable d'affronter ça, on peut affronter toutes les journées de travail du monde.
Un bip bip poli puis criard vient à bout des lourdes défenses de mon sommeil matinal. Les vannes ouvertes, un torrent de soupe populaire qui n'a que trop peu de chances de se tarir un jour se déverse dans mes oreilles. Je ne sais pas à qui je dois le plus souvent de quitter la position foetale: aux politiques qui justifient l'indéfendable, aux compositeurs bègues qui butent sur quatre accords répétés jusqu'à ce qu'achat s'ensuive, aux présentateurs de "6-9" à l'humour de fin de banquet, ou aux publicités qui clonent les comédiens depuis 20 ans pour garantir la même voix de vendeur de lessive.
Ce matin, une franchise de garage spécialisée réinvente le concept de "peur utile". Je suis sûr qu'un génie de la comm' a du le baptiser d'un nom plus aguichant: "crainte motivationnelle", "stress positif" ou autre. Le principe est simple: vous effrayer. Vous effrayer,oui, mais parce que c'est bon pour vous. C'est un peu comme les dictatures qui estiment que dans toute révolution populaire, il faut d'abord imposer le nouveau régime par la force au peuple car il ne peut pas comprendre tout le bien qu'on lui veut. La franchise a du racheter les droits.
C'est donc l'effroi qui me glace au réveil quand j'apprends qu'un brave homme d'âge moyen, sans doute débonnaire, que j'imagine aussi vaguement dégarni, et sur le point de monter nonchalamment dans sa voiture garée au grand soleil de ce mois de juillet. La chaleur l'accable et dans cette tragédie qui se dessine, digne des meilleures histoire de Pierre Bellemard, la tension monte. Ne supportant sans doute plus les grosses gouttes qui perlent à son front dégagé, l'homme pousse le bouton de la clim. Il est bien inconséquent, car il a oublié de faire reboucher l'éclat anodin qui est apparu sur son pare-brise. La terrible chute de cette histoire survient brutalement lorsque la surface de verre securit se fend sur toute la longueur, sous l'effet de la différence de température.
L'auditeur, même à peine éveillé, est aux abois. Mais le comédien (que j'espère amateur) l'informe que son commanditaire peut reboucher les dégâts anodins sur les verrières automobiles avant que ne survienne le pire.
Finalement, c'est peut-être le besoin de fuir qui me lève le plus sûrement, celui qui naît de la résolution d'un conflit interne: rester et subir les pires foutaises au chaud; partir et fuir nu. Le couloir humanitaire qui mène jusqu'à la salle de bain n'est que rarement encombré de pièges à doigts de pied, et c'est en réfugié radiophonique que je l'emprunte. Acculé, mais libre, fatigué mais pas vaincu, je parviens alors toujours à me regarder dans le mirroir et sans même simuler un coup de poing au menton qui signifierait à mon alter ego qu'il est un gagnant, je me dit que je suis prêt pour le combat du jour.
La France qui se lève tôt bien du mérite. Mais celle qui parvient à se lever même un peu moins tôt lorsqu'elle n'y est pas tenue, mérite encore davantage de respect pour la force mentale dont elle témoigne tous les matins à supporter ce qu'on lui inflige.
La prochaine fois, je vous parlerai de l'invasion du Téléachat (un billet baptisé "le retour de Pierre Bellemard")